Sud-Est asiatique : une transition énergétique à consolider

En Asie du Sud-Est, la transition énergétique se heurte à la croissance économique rapide, à l’abondance du charbon, aux difficultés de la coopération régionale. Son meilleur moteur est le souci croissant des populations face aux pollutions. Sur ce marché dynamique, l’Europe a beaucoup à apporter, tant en matière industrielle que d’intégration régionale.

La récente conférence Future Energy Asia, qui s’est tenue à Bangkok les 12-14 février 2020, a permis de faire le point sur les stratégies énergétiques en Asie du Sud Est, une région peuplée de 650 millions d’habitants, qui pourrait être en 2030/2035 la 6ème économie mondiale, la 4ème pour la consommation d’énergie. Les thématiques centrales de la conférence devaient être « transition énergétique » et « intégration régionale ».

Une transition sous l’influence du charbon

A en juger par les présentations, « transition énergétique » veut dire principalement (a) transition du charbon au gaz naturel ; (b) diffusion des énergies renouvelables dans la production d’électricité.

La part du charbon dans l’énergie primaire est d’environ 20% (mais autour de 35% pour la production d’électricité, 66% en Indonésie), et ne diminuera que dans un scénario particulièrement vertueux. Le volume de charbon consommé a triplé depuis quinze ans.
Le gaz naturel s’impose comme alternative au charbon et complément aux énergies renouvelables intermittentes. Surtout le GNL, d’autant plus que l’offre est abondante et multiple.

Lors de la conférence, le GNL américain a été fortement mis en avant. Au prix actuel du baril il a du mal à être compétitif sur le marché spot en Asie du Sud-Est, mais tous les espoirs sont permis pour les contrats à long terme. Les Canadiens, qui ont perdu beaucoup de parts de marché aux États-Unis, se sont convaincus qu’il fallait liquéfier leur gaz de l’Ouest et l’exporter vers l’Asie de l’Est et pourquoi pas du Sud Est, mais leur offre risque d’arriver un peu tard.

Tout le monde dans la région veut du GNL, mais le coût des infrastructures et leur financement posent problème. Un nombre croissant de banques et institutions internationales ne souhaitent plus financer les « fossiles ».

Et quelle stratégie d’approvisionnement adopter ? Contrairement aux marchés américain et européen, le marché du Sud-Est asiatique n’est pas encore organisé pour offrir référence de prix et infrastructure physique constituant un ou des hubs incontestables. En aval de ces hubs ou simples terminaux, d’intéressantes stratégies se préparent pour développer les applications du GNL à petite échelle, notamment pour les îles.

En ce qui concerne les renouvelables, il semble que les projets éoliens ou solaires « poussent tout seuls », portés par la baisse des coûts, l’abondance des financements, la relative simplicité des projets. Le Vietnam a ainsi construit près de 5,5 GW de solaire en 2019 !

L’hydroélectricité est une grande ressource pour le Laos et le Myanmar. Mais les grands projets ne sont pas vraiment « renouvelables », comme en témoignent les conflits croissants autour du Mékong.

L’électronucléaire aurait sa place eu égard à ses faibles émissions et à sa capacité à fournir de l‘énergie en base. Mais le Vietnam a abandonné le projet de construire 4 GW, jugé trop cher par l’Assemblée nationale. La dépendance au charbon dans la production d’électricité et l’industrie, aux combustibles fossiles dans les transports, restera élevée pendant longtemps, comme le montrent les projections de l’ASEAN, même dans les scénarios vertueux.

Les expressions « accord de Paris » et « prix du carbone » ont été très rarement prononcées durant la conférence de Bangkok. Ce qui semble traduire d’abord la faible priorité mise sur la question climatique (les gaz à effet de serre), au contraire des questions de pollution, de l’air notamment (SO2, NOx, particules fines). Ensuite, une vision plutôt libérale des mécanismes de la transition énergétique, sans recours à la taxation ou au droits d’émission.

Une coopération encore difficile

En ce qui concerne la coopération et l’intégration régionales, malgré les expressions de bonne volonté, les obstacles paraissent nombreux. L’existence souhaitable d’un hub régional se heurte à la compétition entre pays pour abriter ce hub ; le Laos a tout pour devenir le producteur hydroélectrique de la région, mais personne ne semble avoir très envie de dépendre d’un « château d’eau » situé dans ce pays; les pays de la région présentent des niveaux de développement, des organisations politiques, des ressources et stratégies énergétiques, très différents.

Ainsi, la route paraît longue vers une réelle intégration régionale, comme vers une plus complète prise en compte des défis environnementaux.

Des enjeux d’importance pour l’Europe

Forte de ses compétences industrielles dans le gaz naturel, les renouvelables et la gestion rationnelle de l’énergie, mais aussi de son expérience dans les politiques d’intégration régionale, l’Union européenne pourrait être plus active dans l’accompagnement de la région dans sa transition énergétique.

Article rédigé par : Patrick Postal – Consultant ARCLÈS

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