Nucléaire : le renouvelable m’a tuer ?

Un nucléaire de moins en moins compétitif

En Allemagne, EON a décidé de fermer avec six mois d’avance son réacteur nucléaire de Grafenrheinfeld dans l’intérêt de ses actionnaires. En Suède, deux opérateurs ont annoncé la fermeture anticipée de quatre réacteurs nucléaires. Aux États-Unis, 14 réacteurs nucléaires ont été fermés ou ont annoncé leur fermeture pour des raisons économiques dans ce qui constitue le parc nucléaire le plus important au monde.

Que se passe-t-il ?

La chute très importante du prix du gaz de schiste aux États-Unis a entrainé un transfert de la production électrique du charbon vers le gaz faisant chuter les cours du charbon et les cours de l’énergie électrique à base fossile. L’industrie nucléaire a subi de plein fouet cette baisse des cours de l’électricité.

Le charbon est la source d’énergie qui se développe le plus à travers le monde à l’heure actuelle, vu son cout très faible. On peut parler d’une explosion du charbon. L’Allemagne vient de construire des centrales à charbon de 3.000 MW, l’équivalent de deux EPR, après avoir autorisé en 2012 la construction de 23 centrales à charbon ou à lignite.

Où est passée la COP 21 ?

En Europe les prix de gros de l’électricité ont été divisés par deux et sont en baisse continue depuis 10 ans. A cela s’ajoute une baisse de la demande liée à une économie atone et aux économies d’énergie notamment dans le bâtiment.

La fin des tarifs régulés, comme par exemple en France, a laminé les bénéfices des producteurs d’électricité. Dans ce contexte, le nucléaire a de plus en plus de mal à tirer son épingle du jeu. En France s’y ajoute un durcissement du référentiel de sécurité nucléaire parmi les plus sévères du monde.

Un renouvelable de plus en plus subventionné

L’Allemagne a décidé de développer massivement son énergie renouvelable (éolien, solaire). Elle a prévu d’y investir 350 Milliards d’Euros sur 20 ans, soit l’équivalent en cout du remplacement de tout le parc nucléaire français. Le renouvelable en Allemagne a déjà dépassé 80GW, soit plus que la puissance nucléaire installée en France.

En 2015 seulement, l’Allemagne a installé environ 1.200 éoliennes pour 6GW, soit l’équivalent d’un peu moins de 4 EPR… mais cependant avec une disponibilité 4 fois inférieure , le vent ne soufflant pas tout le temps. L’Allemagne dispose maintenant d’un parc de plus de 15.000 éoliennes.

Quand le soleil brille en Allemagne, le photovoltaïque produit l’équivalent de 20 centrales nucléaires. Une fois installé, ce renouvelable tire les prix de l’électricité de toute l’Europe vers le bas. On arrive de plus en plus souvent à avoir en France, des prix de l’électricité négatifs, quand les éoliennes allemandes tournent à plein, les producteurs préférant payer pour ne pas arrêter leurs centrales classiques.

Quelles solutions ?

Déposer le bilan de l’industrie nucléaire ? Ou faire monter les prix de gros de l’électricité, comme on proposerait aux producteurs de lait de faire monter les prix de gros, est-ce réaliste ? Assez peu, si l’on songe que les prix de l’électricité en Europe sont très réactifs avec de bonnes interconnections à travers les pays.

Adapter les couts de production en les tirant vers le bas ? Les centrales nucléaires en France sont anciennes, on voit mal comment on arriverait à faire des gains de productivité à ce stade, on en est plutôt à parler d’investissements de grand carénage pour les faire vivre plus longtemps et cela coute très cher. Les économies de couts de production envisagées ne semblent pas à la hauteur des enjeux.

Rémunérer une valeur « distincte » du nucléaire : c’est ce que tente de faire la France en instaurant une taxe carbone. Dans un marché européen compétitif, cette taxe a peu de chance de survivre. Cela revient à tenter d’instaurer un protectionnisme du nucléaire français. Or on sait bien que le protectionnisme, c’est favoriser une minorité au détriment de la majorité, car il faudra bien que quelqu’un paye pour cette taxe carbone.

En réalité, lorsque des gouvernements décident de se passer d’énergie carbonée ou nucléaire, cela a un cout énorme et représente un investissement pour l’avenir. Un peu comme ce qui a été fait dans les années 60 pour promouvoir l’industrie nucléaire et obtenir une énergie électrique pas chère. La roue a tourné, serait-on en train de répéter l’expérience avec le renouvelable ? L’arroseur arrosé ?

En conclusion, il ne faut pas désespérer Billancourt. Le charbon était mort, il revient à vive allure. Le nucléaire ne se porte pas bien, peut être reviendra-t-il dans quelques années avec de nouveaux réacteurs qui auront fait leurs preuves ? Pour l’instant la première manche semble bien dans la main des renouvelables.

Cet article vous a plus ? N’hésitez pas à contacter ARCLÈS : nous intervenons régulièrement dans le domaine de l’énergie comme conseil de structures publiques dans leur évaluation des besoins stratégiques ou bien sur les évolutions énergétiques.

Article rédigé par : Olivier de Truchis – Consultant ARCLÈS

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