Le marché de capacité, utopie ou nécessité ?

Dans le domaine électrique, l’Europe n’a pas encore réalisé un marché de capacité unifié. Et pourtant, il s’agit de s’assurer qu’à tout instant, l’offre électrique est supérieure à la demande.

Bien que les réseaux soient très bien interconnectés et permettent une uniformité de prix sur le continent, les pays ont adopté des stratégies très différentes conduisant à des dispositifs hétérogènes. C’est un sujet d’ordre économique et politique à la rationalité limitée entre les différents Etats. D’ailleurs la Commission Européenne a lancé une enquête sectorielle sur les différents mécanismes de capacité en Europe.

Tour d’horizon des pays Européens

En ce qui concerne la capacité, la France est le seul pays à avoir des problèmes de pointe de consommation (110GW en pointe) liés à son développement à outrance dans le résidentiel électrique. La consommation moyenne représente environ 55% de la consommation de pointe.

La comparaison entre les principaux pays européens fait ressortir que des pays comparables en termes de population (Grande Bretagne, Allemagne) ont des consommations de pointe de l’ordre de la moitié de celle de la France.

Il n’existe pas en Allemagne de mécanisme de capacité en tant que tel. Des volumes de réserve opérationnelle ont été contractualisés. Par ailleurs, vingt producteurs d’électricité allemands ont décidé de s’organiser dans un marché de capacité (balancing market) et s’engagent à fournir de l’électricité ou à l’effacer sous des délais très rapides de façon à répondre et à coller au mieux à la demande.

Au Royaume Uni, le gouvernement a décidé de garder sous son contrôle un certain nombre d’unités de production électrique de façon à pouvoir équilibrer le marché en période de pointe. Il passe donc un appel d’offres par des enchères centralisées pour contractualiser des capacités de production qui permettront de passer les pointes. C’est exactement le contraire de la France qui, avec une politique énergétique largement contrôlée par le gouvernement, a décidé de transférer aux producteurs d’énergie la gestion de la capacité et la responsabilité de fournir le marché à tout instant sous peine de sanctions.

Et la France ?

Phénomène particulier à notre pays, la consommation de pointe a augmenté de 30% en 10 ans (lié au résidentiel électrique) alors que la consommation moyenne a augmenté de 1% par an. On notera également que ces phénomènes de pointe sont particulièrement aléatoires, ce qui ne simplifie pas leur gestion. On estime que la pointe extrême qui peut poser des problèmes apparaitrait une fois tous les dix ans en France et serait traitée par des délestages.

En outre, la France n’a jamais voulu considérer la demande comme acquise en se gardant la possibilité de jouer sur l’effacement (diminution volontaire de la demande). Notre pays a donc beaucoup œuvré sur le mécanisme d’effacement qui est aussi un moyen efficace de gérer les périodes de pointe.

La France considère alors qu’elle n’aura pas de déficit de capacité de production d‘ici 2020 car elle a les moyens de jouer sur des capacités de production de réserve comme les centrales à gaz. Les interconnexions continuent par ailleurs de contribuer fortement à la sécurisation de l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité en France.

La loi NOME

En anticipation de problèmes de capacité, la France a mis en place le 7 décembre 2010 la loi NOME qui introduit une obligation de capacité portant sur les fournisseurs d’électricité. Elle prévoit que chaque fournisseur doit apporter la garantie qu’il détiendra, directement ou indirectement, en 2019-2020 la capacité de production ou d’effacement de la consommation pour satisfaire la demande de ses clients lors des pointes de consommation.

La Commission européenne craint que le mécanisme de capacité envisagé par la France puisse, sous sa forme actuelle, favoriser certaines entreprises énergétiques traditionnelles par rapport à leurs concurrents et empêcher l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché, notamment au travers des interconnections. Elle a donc ouvert une enquête particulière sur la situation en France.

Enfin, la mise en place effective du marché de capacité en France permettra de déterminer, au travers de ses transactions, quelle est la valeur de la rémunération de capacité dans le prix de gros de l’électricité qu’on connaitra à partir de 2017.

ARCLÈS intervient régulièrement dans le domaine de l’énergie comme conseil de structures publiques dans leur évaluation des besoins stratégiques.

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Article rédigé par : Olivier de Truchis – Consultant ARCLÈS

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